samedi 27 avril 2019

« Pourtant, je devrais la connaître »

Annie Erneaux est née le premier septembre 1940 (ou soit elle a 78 ans) à Lillebonne. Elle a toujours dit que si elle était sur Terre ce n'est pas pour un rien. Allons voir de plus près pourquoi dit-elle cela ? Réponse dans un récit de ce grand auteur, « L'autre Fille ».  « Je ne suis pas censé la connaître, sauf que mon petit doigt me l'a dit » La personne qu’elle n'est pas censée connaître est sa sœur. Oui comme vous venez de l'apprendre, elle ne devrait pas la connaître. Parce que ses parents ne lui ont jamais parlé de sa grande sœur qui est morte. Comment le sait-elle ? Tout a commencé lors de ce récit. La scène se passe pendant les vacances de ses dix ans. « Comme toutes les fins d'après-midi, où j’allais jouer dans le parc d’à côté avec ma copine, ma mère parlait avec la mère de ma copine et ma copine et moi nous étions entrain de jouer autour de nos mères et puis j’entends ma mère dire qu'avant, elle avait une autre fille à part moi, qu'elle était morte à l'âge de six ans. Elle a aussi dit qu'elle était plus gentille, plus mignonne et plus belle que moi, j’ai été traumatisée. » Après quelques semaines, sa cousine lui a dit toute la vérité : le prénom de sa sœur, comment elle est morte... Sa sœur s'appelle Ginette Erneaux et Ginette est morte de diphtérie ; c’est une maladie contagieuse susceptible de produire une toxine touchant d'abord les voies respiratoires supérieures, puis le cœur et le système nerveux périphérique.  La tombe de ma sœur  Quand elle a eu vingt-sept ans, le cercueil de son père a été descendu dans la fosse ouverte juste à côté de sa tombe. « Ma mère et moi nous avons feint de l'ignorer. L'été d'après, en vacances chez elle,je suis allée porter sur la tombe de mon père des fleurs cueillies dans mon jardin. Je n'en ai pas mis sur la tienne, puisque ma mère ne m'avait rien dit. Même le lieu où ma sœur se repose n'a jamais été nommé. »Aussi elle dit que ses parents ne sont pas faits pour avoir des enfants parce que, quand elle était petite, elle a eu beaucoup de maladies graves, de chutes graves. Cela a commencé bébé, quand elle a eu une fièvre aphteuse, cas rarissime d'une transmission de la vache à un humain par le lait d’un biberon. Ensuite à quatre ans, une chute sur un tesson de bouteille, qui lui a troué la lèvre en laissant une cicatrice en bourrelet. Elle avait aussi à cet âge-là, une myopie qui ne cesse de s'aggraver et des dents déjà cariées. Bien sûr, il manque l'essentiel. A cinq ans, elle a failli mourir, dans le jardin public de Lillebonne, elle s’est blessé au genou avec un clou rouillé. Plusieurs jours après, la fatigue anormale d'Annie, sa nuque raide et ses difficultés à ouvrir la bouche ont décidé ses parents à appeler le médecin. C’était un débutant. Après l'avoir examinée, il est resté silencieux puis il a dit « j'espère me tromper, je vais chercher un confrère » C’était le tétanos. Sauvée du tétanos « Mes parents n'ont jamais entendu parler de cette maladie. Les médecins m'ont injecté des doses massives de sérum antitétanique et ils ont dit « Si elle ne desserre pas les dents d'ici ce soir elle est perdue. » Alors sa mère lui a fait boire de l'eau de Lourdes en la glissant entre ses dents déjà serrées. Sa bouche s'est rouverte. L'année suivante, en action de grâces, sa mère est allée à Lourdes, voyageant toute une nuit dans un train aux banquettes de bois avec une boîte de sardine pour seule nourriture. Tout ceci, vous pouvez le découvrir dans ce récit curieux d'Annie Ernaux : « L'autre fille ». Jasmine Ahmed Moustafa

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